Nationalité américaine
Né en 1938 à Electric City (États-Unis). Décédé en 2011
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Biographie

Rétif à toute mise en ordre catégorique, l’œuvre de Dennis Oppenheim traverse plusieurs des grands courants de l’art contemporain : l’art conceptuel, le Land art, le Body art, et le postmodernisme. De même, sa pratique englobe des médiums très variés : sculpture, performance, installation, photographie, film, vidéo. Les « opérations délirantes [1] » de l’artiste, ainsi que les a désignées Jonathan Crary pour mieux célébrer l’originalité et la puissance de sa démarche, n’en sont pas pour autant dépourvues de méthode mais s’organisent autour d’une préoccupation récurrente : faire de l’énergie mentale un véritable matériau plastique.



Originaire de la Côte ouest des États-Unis, Oppenheim, après des études au California College of Arts and Crafts à Oakland, puis à l’université Stanford, s’installe à New York en 1966. Les Earthworks qu’il réalise au tournant des années 1960/1970, tels Time Pocket (1968) ou Gallery Transplant, Jersey City, New Jersey (1969), comptent parmi les emblèmes de ce courant artistique qui engage alors une sortie de l’art vers l’environnement extérieur. S’emparant de signes abstraits empruntés à des disciplines scientifiques comme la cartographie, Oppenheim les matérialise en les inscrivant sur le sol à l’aide d’instruments divers : pelle, motoneige, faucheuse. L’artiste intervient aussi dans des processus naturels comme dans Directed Seeding-Canceled Crop (1969), une œuvre pour laquelle il ensemence un champ de blé selon un schéma préétabli puis le fait moissonner en traçant une croix géante en forme de « x ». La surface de la terre est ainsi envisagée par Oppenheim comme une gigantesque toile de même que, dans les travaux d’art corporel qui suivent, le corps de l’artiste est traité à l’instar de la glaise du sculpteur ou du pigment du peintre. Ainsi de Reading Position for Second-Degree Burn, Jones Beach, New York (1970) où le rougissement progressif de la peau d’Oppenheim exposée au soleil sans protection est assimilé par l’artiste à l’action de peindre [2]. L’intensité et la radicalité des expérimentations menées par l’artiste finissent cependant par l’amener à substituer à sa présence physique des marionnettes mises en scène dans des installations qui n’en continuent pas moins d’interroger avec force le travail de création et la nécessaire mise en danger qu’il implique. Dans Attempt to Raise Hell (1974), une marionnette se frappe la tête toutes les minutes contre une cloche en provoquant un bruit tonitruant, une action qui fait allusion simultanément à la nature sisyphéenne du processus créatif et à sa charge explosive. Ce groupe d’œuvres et d’autres incorporant des mécanismes sont le prélude à la série des Usines et des Feux d’artifice (1979-1984) : d’imposantes sculptures en forme de machines et, pour les secondes, de véritables dispositifs pyrotechniques, qu’Oppenheim envisageait comme des « centrales nucléaires mentales [3] ». Parallèlement, l’artiste se met à réaliser des sculptures et des installations incorporant des objets trouvés et des éléments du quotidien. Frayant délibérément avec le kitsch, ces travaux mêlent les références à l’histoire de l’art et à la culture populaire, comme dans le duchampien Revolving Kissing Racks (1990) : deux porte-bouteilles géants, tournant comme des toupies, et sur lesquels sont disposées de pulpeuses bouches féminines en plastique rouge. C’est aussi à ce moment qu’Oppenheim commence à travailler sur des projets de sculptures urbaines monumentales, répondant souvent à des commandes publiques dont une des dernières fut Radiant Fountains (2010) pour l’aéroport de Houston : trois œuvres en forme d’éclaboussure, comprenant des LED animés, et dont le jaillissement lumineux témoigne de la centralité persistante de l’énergie dans l’approche de l’artiste.



Ce thème sous-tend de même la manière dont Oppenheim a abordé les imagechnologiques. En effet, si c’est d’abord la nécessité de documenter les œuvres par nature éphémères réalisées dans le contexte du Land art et du Body art qui a amené l’artiste à inclure la photographie, le film et la vidéo dans sa pratique, il a aussi envisagé ces supports en relation avec l’idée de « transfert d’énergie ». Oppenheim s’est ainsi intéressé à la nature projective de la photographie et du film. Quant à la vidéo, elle lui a permis, entre autres, d’approfondir ses réflexions autour de la cybernétique [4].



Oppenheim s’est également préoccupé du mode d’exposition de ses images en mouvement. Les bandes dans les collections du musée national d’Art moderne sont des anthologies constituées par l’artiste à partir de films transférés sur vidéo et de vidéos proprement dites. Elle sont faites pour être visionnées simultanément par groupe de deux sur deux moniteurs afin de reconstituer la projection multi-écrans d’origine, laissant en même temps le public libre de naviguer d’une image à l’autre.



Larisa Dryansky, 2020



[1] Jonathan Crary, « Dennis Oppenheim’s Delirious Operations », Artforum, vol. 17, no 3, nov. 1978, p. 36-40.



[2] Dennis Oppenheim, entretien avec Willoughby Sharp, Studio International, vol. 182, no 938, novembre 1971 ; repris dans Germano Celant, Dennis Oppenheim: Explorations, Milan, Edizioni Charta, 2001, p. 119.



[3] Dennis Oppenheim cité dans Kim Levin, « Clocking into Dennis Oppenheim’s “Thought Collision Factories” », Village Voice, 4-10 février, 2004, https://vvstaging.villagevoice.com/2004/01/27/clocking-into-dennis-oppenheims-thought-collision-factories/.



[4] Sur la place de la cybernétique dans la démarche d’Oppenheim, voir Larisa Dryansky, « Paleocybernetics: Technology and the Prehistoric Imaginary in American Art of the 1960s and ’70s », dans Stefanos Geroulanos et Maria Stavrinaki (dir.), Writing Prehistory, numéro spécial, Res: Anthropology and Aesthetics, no 69-70, printemps-automne 2018, p. 178-181 ; Anna Lovatt, « A Feedback Situation: Dennis Oppenheim’s Cybernetics of the Family », Grey Room, no 80, été 2020, p. 98-123.